Sortir

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Le hirak a commencé par une marche
Je trouve ça drôle je dis toujours
Parce que pour les enfants la marche
C’est un peu
La première étape
Vers
L’indépendance
Et que l'Algérie c'est un adulte
Bloqué dans
Un corps d'enfant

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Vendredi c’était le jour de l’intérieur
L’intérieur dans tous les sens
On reste en famille donc c’est l’intérieur
Du cercles des connaissances
L’intérieur parce qu'ils vont à la mosquée
L’intérieur de soi même parce que c'est
Soit disant
Un jour de piété
L’intérieur parce que les hommes restaient entre eux
Les femmes restaient entre elles

En fait les hommes disent intérieur
Mais nous les femmes
On dit
Enfermement
Maintenant vendredi c’est l’opposé
C’est le jour du dehors
De l’extérieur
De la liberté

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Dès qu’on a mis les chapiteauxIl est fait référence au Révolte Arts, un événement culturel organisé par des jeunes tizi-ouzouéens à l'été 2019. La place de l'ancienne gare de Tizi-Ouzou (Grande Kabylie) fut occupée par des jeunes qui y organisèrent diveses manifestations culturelles. La police locale regardait cet irrédentisme d'un mauvais oeil et envoyait plusieurs policiers intimider les manifestants, certains organisateurs étant même emmenés au commissariat.
Ils ont envoyé les policiers
Pour nous intimider
Quand on est groupé sur la place de l’ancienne gare
Ça va
Mais les chapiteaux
Ça va pas
Pourquoi ?
Parce que les chapiteaux ça veut dire qu’on s’installe dans le rue
Et et aussi
Qu’on la récupère

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Les hommes disent souvent que l'Algérie
Est une prison à ciel ouvert
Pour les femmes c'est
Une prison dans une prison
Le hirak c’était de dire
Qu'on avait purgé la peine
Et qu’on veut sortir librement

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Parler, parler, parler, il ne faut jamais s'arrêter de parler.

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On a appris à discuter
A s'écouter
Entre hommes et femmes
Entre jeunes et vieux
Entre enfants et jeunes
Entre universitairesEn Algérie, ce terme est utilisé pour désigner les personnes ayant suivi des études supérieures, non pas (uniquement) le personnel enseignant des facultés.
Et non-universitaires
La parole circulait
Comme de l'eau
Dans un fleuve
Parfois comme une cascade
La révolution
Elle créé des ponts
Même si on sait pas où ils
Mènent

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Révolte Arts c’était une occupation par la jeunesse de Tizi-Ouzou
De la place de l’ancienne gare
On a organisé des assemblées de débat
En plein mois de Ramadan
Les débats étaient enflammés
Tout le monde parlait
Et on discutait de tout
La parole n’a jamais été aussi libre
On osait utiliser des mots
Et débattre avec force de choses
Comme la laïcité,
les droits des femmes...
C'était la politique
Dans
Ce
Qu'elle
A
De
Plus
Beau

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C’est très particulier
Les femmes elles marchent toujours en groupe
Pour éviter les embêtements
Ou pire
Les agressions
Aller
Venir
C’est évident pour tous
Mais pas pour nous
Avec le hirak on pensait
Que ça allait changer
Peut-être que ça a changé
Mais très peu
Les limites sont toujours fortes

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La révolte c'est dans la rue et la rue c'est nous.

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Viva l'Algérie
Taḥya Lezzayer
تحيا الجزائر


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  • Ce livre numérique propose une perspective sur le mouvement social algérien de février 2019. Comme le nom dont on l’appelle – hirak – se traduit par "mouvement", j’ai souhaité créer un livre numérique mobile s’efforçant d’épouser le geste protestaire.
  • Ce travail est entièrement basé sur des retranscriptions rigoureusement exactes d’entretiens et de conversations avec des jeunes âgés de 17 à 31 ans et habitant les villes de Tizi-Ouzou, de Bejaïa et d'Alger, au cours de plusieurs enquêtes réalisées dans le cadre d'une thèse de doctorat en anthropologie menée à l'EHESS Paris. Les récits ont simplement été mis en vers par moi-même. Ce procédé offre une occasion rare de "travailler la matière", ou, de déformer le matériau ethnographique, inaltérable dans le cadre d'un travail de recherche ; elle permet également de célébrer le potentiel esthétique, souvent saisissant, de ces récits.
  • Tous les récits ont été conservés dans leur langue d'origine, le français - langue dans laquelle j'effectuais une partie de mes entretiens. Ce livre numérique étant destiné à un public principalement francophone, j'ai choisi de privilégier la langue française sur les autres langues utilisées au cours de l'enquête (tamazight et arabe). Tous les témoignages ont été rendus anonymes.
  • Si l’origine du terme hirak demeure mystérieuse, on s’accorde à le traduire par "mouvement". Ainsi le thème du mouvement, appréhendé dans sa polysémie, constitue la clé de voûte de ce livre numérique.
  • Le premier chapitre s’intéresse au hirak comme mise en mouvement d’un pays en proie à une certaine morosité politique. C'est une mobilisation massive de la population, qui marque un jalon biographique pour de nombreux jeunes pour qui il fait figure de baptême militant. Il accompagne alors le mouvement de l’adolescence vers l’âge adulte et l’entrée en maturité. Le deuxième chapitre porte sur l’espace public, lieu de la mobilité, et expose comment le hirak a contribué à sa reconquête populaire. Le troisième chapitre questionne la manière dont le hirak a reconfiguré, questionné, mis en doute, les perspectives de mobilité internationale et d’exil de nombreux jeunes.
  • Ces trois chapitres sont accessibles à partir de la page d'accueil. Faîtes défiler la molette de la souris ou faites glisser la page vers la droite pour y accéder.
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